Je l'ai vu ainsi
18px

« Je l’ai vu ainsi »

ou
Les souvenirs d’un grand-père
MAURICE SUCHET (1925–2011)

Préface de l’éditeur

Note de l'éditeur

L'auteur, mon grand-père Maurice Suchet, a entrepris la rédaction de ses mémoires en 1987, peu après son départ à la retraite et la naissance de ses deux premiers petits-enfants. Le projet s'est poursuivi pendant plus d'une décennie, par ajouts successifs, jusqu'en 1999.

Le manuscrit original comprend trois classeurs, d'environ 450 pages au total, qui ont été rédigés en deux exemplaires complets, destinés à chacun de ses deux enfants. Cette démarche illustre le désir profond de transmission familiale de l'auteur, à la fois mémoire intime, chronique locale et témoignage d'une époque.

Il n'avait explicitement pas envisagé de les publier, seulement de les écrire pour lui-même et ses héritiers, dans le fil de sa mémoire, sans autre vocation que de témoigner de ce qu'il avait vu et vécu.

J'ai toutefois choisi d'en proposer une édition patrimoniale, pour les raisons suivantes :

Transmettre : au-delà de la génération de ses enfants et petits-enfants, il me paraît essentiel que ce texte puisse demeurer accessible dans le temps, lorsque même ses descendants directs auront disparu.

Donner matière à l'étude : ces mémoires, modestes et personnels, constituent aussi un document pour les généalogistes et historiens désireux de comprendre une époque, un village, des mœurs, à travers la voix d'un témoin ordinaire.

Ancrer une mémoire locale : en publiant ces souvenirs, je souhaite contribuer à garder vivante la mémoire d'un lieu, de ses habitants et de leurs histoires singulières.

Ce projet est le fruit d'une combinaison de compétences acquises au travers de mon expérience dans l'édition (plusieurs romans publiés), de mes recherches généalogiques (enquêtes, persévérance), de mon travail passé dans la recherche scientifique (méthode, référencement), mais aussi d'un intérêt ancien et profond pour l'Histoire depuis l'école primaire. Ce livre est donc à la fois un héritage familial et une démarche de transmission.

Puisse-t-il trouver sa place entre mémoire intime et mémoire collective.

L'éditeur,
Emmanuel Breysse
JEB Éditions – Label Patrimoine

Éditeur : Emmanuel Breysse
Label : JEB Éditions Patrimoine
Édition : 2027

Aux lecteurs

Les pages qui suivent sont celles d'un témoignage personnel, rédigé dans le fil d'une vie et au gré des souvenirs. Elles n'ont pas pour vocation de juger ni d'expliquer l'Histoire, mais de garder vivante la mémoire d'une famille, d'un village et d'une époque.

Les personnes qui y apparaissent le sont en tant qu'acteurs d'une histoire intime et locale. Qu'elles soient encore parmi nous ou qu'elles aient rejoint le passé, leur souvenir demeure ici dans sa vérité subjective : celle d'un témoin. Ce texte reflète des souvenirs personnels, avec leur part d'imprécision et de subjectivité. Toute ressemblance avec des personnes portant les mêmes noms et prénoms mais sans lien direct avec le contexte décrit ne saurait être considérée comme intentionnelle.

Il ne s'agit en aucun cas d'une analyse historique, ni d'un jugement porté sur les personnes citées, mais d'un simple témoignage, exprimé avec sincérité. Les éventuelles erreurs ou inexactitudes relèvent de la mémoire de l'auteur et non d'une volonté de déformer ou de nuire. Puisse ce texte, avec ses imperfections et sa sincérité, contribuer à transmettre une part de ce qui ne doit pas s'effacer.

Le présent ouvrage est la transcription fidèle du manuscrit de Maurice Suchet, dont j'ai choisi de conserver le style et les formulations originales, en n'apportant que de très légères adaptations typographiques : correction de la ponctuation, uniformisation des majuscules, titres et sous-titres, et déplacement des notes marginales en notes de bas de page. L'ordre des pages, chapitres ou éléments complémentaires a été respecté.

Pour des raisons de lisibilité, les fautes d'orthographe ont été corrigées, mais les graphies originales les plus marquantes sont signalées en notes de bas de page. Les ajouts et interventions de l'éditeur sont signalées dans le texte entre crochets [Éd.] lorsqu'elles renvoient à une illustration ou un document inséré. Les notes plus détaillées figurent en bas de page annoncées comme « Notes éditoriales : ».

Pour faciliter la consultation, des index des noms, des lieux et une chronologie ont été ajoutés en fin de volume. Ils permettront au lecteur de retrouver plus aisément les personnes, les endroits et les événements évoqués dans ces mémoires.

Cette édition n'a pas vocation à trahir l'intention de l'auteur, mais au contraire à en faciliter la transmission. Elle a été réalisée par moi-même, son petit-fils, Emmanuel Breysse, afin de préserver ce patrimoine écrit et de le partager, avec l'accord de ses enfants (et petits-enfants), dans le respect de la mémoire familiale et des droits de l'ensemble des héritiers.

L'éditeur

Note éditoriale — sources et limites

Quand cela s'y prête, des notes éclairent le contexte (patois, techniques rurales, repères locaux). Elles sont repliées par défaut afin de préserver la fluidité de lecture.

Dédicace

À mes petits-enfants…

Citations

« Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. »
— Antoine de Saint-Exupéry
« Dans mon enfance je n'ai jamais vraiment senti la pauvreté : chez nous il n'y a jamais eu de vrai désir de richesse. »
— Gérard Depardieu, Qu'avez-vous fait de vos 20 ans ?

Citations de Maurice

Je n'ai jamais été « écrivain »…
Cependant, j'ai écrit…
Pour affirmer ma liberté…
Pour fouetter mon inertie…
Pour transmettre…

Car, même pratiquée modestement, l'écriture est « libération »…

(signé) M. Suchet, 1994
« Un livre, c'est la pensée d'un homme qui nous parvient à travers l'Espace et le Temps... »

Alors, quelle que soit l'importance du livre ou de l'écrit, respectez-le en tournant les pages avec respect.
Si ce livre ou cet écrit ne vous intéresse pas, pensez aux lecteurs futurs qui, eux, découvriront peut-être, dans ces pages, un intérêt que vous n'avez pas su voir…

(signé) M. Suchet
« Vous saurez qui je suis quand je n'y serai plus. »
— Victor Hugo

Mise au point complémentaire

Tous les textes successifs de ces cahiers ont été écrits sous forme de récits narratifs : la forme la plus adéquate qui soit, à mon avis. On ne décrit-on bien que ce que l'on connaît bien. Les noms cités, dans leur immense majorité, sont les noms réels des personnes que j'ai réellement connues ou rencontrées.

Mon récit, ayant être écrit « à usage interne » et non dans le but d'être publié, je n'ai vu aucun inconvénient majeur à agir ainsi. Les personnages sont réels et ce n'est pas un roman, encore moins « un roman à clé ». D'autre part, lorsque mon récit parviendra à la postérité (la mienne), sinon à la poubelle (ce que je ne souhaite pas !), les personnes citées auront pratiquement toutes disparu de ce monde.

Les récits, tous « cernés » de près, sont parfois animés, critiques, quelquefois acerbes, jamais injurieux. J'en ai fait ma règle d'or, mais j'ai surtout tenu à être vrai. Mon but : un témoignage modeste, mais un témoignage réel, quelquefois maladroit, sans doute, incomplet sûrement, pour ne pas alourdir…

(signé) M. Suchet
Mars 1995

Introduction

Il est de règle, lorsqu'on écrit un livre ou un texte d'une certaine importance, quantitative sinon qualitative, de faire précéder ce texte principal d'une introduction, d'un prologue, afin justement d'avertir le lecteur, de le mettre en garde « dans le bain » selon l'expression bien connue.

Sans avoir la sotte prétention de me prendre au sérieux, je crois de mon devoir, par respect pour mon ou mes futurs lecteurs, de procéder ainsi. Je demande en premier lieu à ceux-ci de me pardonner généreusement les presqu'inévitables fautes de français (je n'ai pas « fait » la faculté de lettres…), ainsi que les probables fautes d'orthographe échappées à ma vigilance.

Quant au récit lui-même, je n'en garantis pas le débit dans un ordre chronologique parfait. Il y aura sans doute de nombreux « allers et retours » à la recherche de l'anecdote, un instant oublié, qui musarde dans les trames du temps et qui resurgit lorsqu'on ne l'attend plus. Notes en apparence discordantes, faisant longuement réapparaître d'autres souvenirs, comme un épagneul fait lever une compagnie de perdreaux embusquée. Surtout aucune prétention littéraire ; un « semblant » de mémoires, tout simplement, le témoignage d'un « passage » pas tout à fait inutile sur un minuscule coin de notre vieille Terre…

*

J'ai vu et entendu bien des soupirs d'inquiétude autour de moi, émanant de gens très différents. « L'un » d'entre eux se plaignit un jour à sa femme en sentant sa fin prochaine, très prochaine : « Il y aurait tant de choses à dire ! » soupirait-il… devant son épouse, qui n'en put rien tirer d'autre, tout en l'exhortant à se confier. Se jugeait-il incapable d'exprimer ses sentiments ? Sentait-il confusément qu'on ne le comprendrait pas ? Croyait-il que ses pensées étaient puériles, inutiles, indignes d'un « homme » normal – inavouables peut-être ? Toujours est-il qu'il descendit, ainsi, avec son fardeau d'expériences, de confidences, dans la nuit du tombeau… Quel dommage !

S'est-il simplement heurté au dangereux « à quoi bon ! » que certains appellent le « respect humain », abominable et diabolique entrave de toute action, surtout bénéfique ! Au bord de ma première page vierge, j'ai été moi-même assailli par son culpabilisant ricanement…

Pour la bonne ou la mauvaise cause, j'ai décidé de passer outre !! En avant !

Les différents chapitres, en se superposant, en se juxtaposant (avec la coopération « bienveillante » du lecteur), finiront par composer « un tout », même s'ils ne sont pas disposés dans un ordre chronologique exact.

J'ai décidé, pour simplifier, qu'il en serait ainsi, car il y aurait trop de faits simultanés à décrire et je n'aurais jamais eu le « génie » d'une telle synthèse. À toi donc, futur hypothétique et lointain (?) lecteur, de reconstituer le puzzle…

Cela donnera peut-être à l'ensemble un aspect quelque peu brouillon… tant pis. Les phrases seront là, elles auront le mérite d'avoir été écrites.

Et puis, qui sait ? J'en ai parfois « douloureusement » conscience, j'aurai peut-être obéi à ma nature profonde… Je n'en sais donc que plus vrai !

Pourquoi, dira-t-on, ce luxe de détails, cette profusion de mise en garde, ces multiples avertissements, ces approches feutrées, au lieu d'une entrée directe dans le sujet principal ? On dirait un besoin impérieux de justification ! Oui ! Je ne me démentirai pas ! Car je veux que « l'on » sache au maximum qui est celui qui tient la plume. J'ai en fait un vieux compte à régler avec la vie… ma vie.

Je veux surtout que l'on sache que je ne suis, que je n'ai pratiquement jamais été dupé, même avec une attitude passive. Souvent, surtout dans ces cas précis. « La délicatesse naturelle » m'interdit le plus souvent toutes remarques désobligeantes, mais, je vis, je sentis, je remarquais, à l'insu de mon interlocuteur… Et fut jugé, qui crut dominer… !

Mais qu'est-ce que la « délicatesse » pour certains êtres : une inconnue de plus !

Susceptibilité dira-t-on. Non ! Sensibilité tout simplement ! Souffrance parfois bien inutile mais toujours contrôlée, jamais dupée.

Très souventes fois, au lieu de tant d'égards, je le sais, le lourdaud malappris avec ses persiflages, clins d'yeux à l'entourage, sous-entendus, quolibets et autres mimiques eût mérité plutôt un magistral et décisif « coup de pied au cul » (sic).

L'esprit sincère et droit endure donc bien des misères inutiles, mais aussi que de triomphes intérieurs, et parfois de mépris, pour certains êtres, qui n'auront connu de l'existence qu'une pauvre facette « suffisante », sans s'embarrasser de la « réalité » d'autrui.

Apparente défaite donc. Je dirais plutôt terrible force tranquille qui permet souvent de dominer les hommes et les situations, à terme. Bien sûr, tout a une limite, il arrive parfois qu'elle soit atteinte, alors gare à la casse !

Il y a quelquefois de brusques revers, des levés de voile, totalement imprévus de l'adversaire… qui s'est alors aperçu, bien trop tard, que ses plans occultes avaient été depuis bien longtemps éventés.

C'était ici une simple et indispensable parenthèse, que je vais « tenter » de refermer.

Je me permets d'ajouter encore quelques mots à cette « parenthèse » déjà ennuyeuse sans doute et parfois sibylline.

Il est dur et parfois frustrant de sentir dans les tréfonds de soi-même, le dérapage, l'omission, le mot, la phrase exacte, irremplaçable, qui eut tout éclairé, réconcilié…

Mais tout le monde ne possède pas l'opportune, rigoureuse, miraculeuse adéquation d'un Pagnol, d'un Genevoix, d'un Vincenot ou encore d'un Louis Pergaud… Ces maîtres de l'Instant…

Opportunément ou non, je me permets d'ajouter ici, qu'il m'est arrivé (et qu'il m'arrive encore, malgré les apaisements de l'âge et du Temps), de ressentir la nostalgie du passé, des gens, des choses, ou des lieux, jusqu'au malaise, parfois jusqu'au vertige. Sans aucun doute, tout ici-bas, à sa raison d'être, souvent incompréhensible, mais faisant partie intégrante d'un Plan qui échappe à notre pauvre logique…

Mais bref ! que « l'on » se rassure : extrême sensibilité n'est pas nécessairement « état névrosique », mais peut-être… État de Grâce… qui sait ?

Je précise, car dans la pensée galopante de certains gens, les idées vont parfois très vite et les jugements, même en apparence innocents et hâtifs, sont parfois porteurs d'empreintes persistantes, d'autant plus néfastes, qu'elles sont fausses.

Mais halte ! Rompons ici l'apostrophe et, enfin, en partie délivré de notre gangue, présentons-nous : il en est temps !

Où je vais être obligé de parler de moi… précisément

« Il y eut un soir, il y eut un matin ».

Empruntant à la Bible, mystérieuse et poétique, cette formule lapidaire qui tente de mettre un peu de baume consolateur sur la plaie de l'Interrogation humaine, j'eus donc, comme tout être, ici-bas, moi aussi, mon matin.

Je naquis (à la ferme) et dans l'enivrante odeur des foins coupés, le 26 juin 1925, en un petit village, alors calme et bon-enfant, à l'époque dite de « civilisation lente », du premier quart du XXᵉ siècle. (Ce siècle tant attendu qui allait « faire des étincelles », c'était promis !)

Il était temps, tout de même, si je ne voulais pas être affublé du triste, peu reluisant « d'enfant de vieux », car mes parents étaient alors respectivement âgés de 48 et… 37 ans. (Quand je vous disais… qu'il était… grand temps !)

Enfin ! Quand le vin est tiré, il faut le boire !

Et le petit village en question, situé sur le territoire de la commune de Saint-Bonnet-des-Bruyères, à l'extrême pointe nord du département du Rhône, aux confins de la Saône-et-Loire, avait pour nom (et l'a toujours) : Mussery

Dans ma pensée un court instant distraite de son objet principal, j'imagine (pour en avoir été le presque témoin) ce que pouvait être l'attente et l'arrivée d'un enfant dans un petit village d'alors. La toute première confidence, dans un sourire « entendu » bien sûr, à la plus intime et proche voisine. Et comme il n'y a plus de secret une fois qu'on l'a confié, la nouvelle se répand… en quelques minutes.

Il n'y a pas encore de téléphone (ou si peu !), mais il y a déjà des « spécialistes de la communication rapide ». Les commères s'en donnent à cœur-joie, en rose (et en noir) parfois hélas ! Puis les jours passent, les semaines, les mois, sans que change beaucoup l'emploi du temps de la future mère.

Il y a quelques exceptions bien sûr, mais ça n'est pas toujours vu très bon œil : c'est un mauvais signe… Pas, ou presque, donc, de surveillance médicale. À la dernière extrémité, on va quérir la sage-femme, la « bonne-mère » comme on disait alors. Inconcevable aujourd'hui…

J'ai connu un brave homme qui est né en plein hiver, au bord d'un chemin. La mère et l'enfant furent trouvés par le facteur. Le bébé ne s'en porta pas plus mal pour « tout ça ». Il fut maire de la commune pendant plus de 15 ans. Il est mort en cette année 1987 à l'âge de 72 ans je crois. Paradoxe ? Mais la Nature veille…

Mais, ah oui ! J'ai prononcé le nom de mon village : Mussery.

Je n'ai, d'alors, que des souvenirs très superficiels de ce petit coin de France et pour cause : j'en suis parti, j'avais à peine 5 ans…

Le père Dailly

Je revois, entre autres, dans ce village, presque dans un nuage, un bon vieux « grand-père » de nos voisins : il s'appelait le père Dailly. Il adorait les enfants. Certains jours, de connivence avec ma mère, il m'emmenait dîner dans sa famille qui habitait le village. J'étais heureux comme un roi. Des repas, je ne me souviens guère, sinon que j'étais installé sur une chaise entre le pépé et sa petite fille…

Mais rassurez-vous, il ne s'agissait pas encore d'un flirt ! J'avais, je l'ai dit environ 4 ans ½ et sa petite fille près de 18 ans je crois. Je revois assez nettement, en face de moi, sur une étagère faite de bobines assemblées, deux coqs en plâtre sans doute, fièrement dressés, un blanc et un vert…

C'était, à ce moment-là, pour moi, très beau et beaucoup plus important que la politique, dont je ne soupçonnais même pas l'existence… bien sûr !

Le plus cocasse, c'est que, le repas terminé, le bon pépé me disait le plus naturellement du monde : « Maintenant que tu as bien mangé, Maurice, il faut payer ton repas ! ». Et moi, sérieux et fier comme un homme, je lui tendais 2 ou 3 pièces de 2 sous en bronze (des Victorio). Il me remerciait chaleureusement et je rentrais triomphalement à la maison. Bien sûr, on ne me le disait pas mais le brave père Dailly rendait les pièces à ma mère… pour une prochaine fois !

Dans cette même famille, il y avait un bricoleur né, le gendre du précédent. Il possédait déjà un groupe moto-scie à essence, et comme il faisait beaucoup de sciure, j'allais parfois m'amuser sous le hangar, dans cette matière odorante et blonde : je me vautrais littéralement, malgré les petits picotements que cela engendrait lorsque ladite sciure se glissait sous mes vêtements. J'en rapportais de pleins « corbillons » chez nous. Je m'amusais ainsi follement, mieux qu'avec tous les jouets les plus élaborés que l'on trouve aujourd'hui.

Et savez-vous comment j'appelais cette belle et enchanteresse sciure ? De la « farine de moteur » ! Mais oui ! tout simplement. C'était logique ! Non ?

J'avais bien parfois aussi mes petits ennuis, mais je possédais déjà mon idée sur la philosophie du bonheur. Tout découlait logiquement de la… simplicité.

J'ai appris depuis bien longtemps, vous sont bien involontairement que notre monde, toujours rongé d'une insatiable boulimie de « progrès », confond trop aisément plaisir et bonheur.

Il lui manque surtout beaucoup de sagesse, étouffé qu'il est par l'orgueil, mauvais conseiller et poison mortel.

Mais radote toujours aujourd'hui, vieux moraliste, nostalgique du passé ; même auréolé de tous les nimbes de la Sagesse, on te répondra qu'on n'arrête pas le Progrès et que tu fais de l'Immobilisme ! Oui, c'est une fuite en avant inéluctable, je le sais bien, mais il faut que cette fuite insensée ne puisse être motivée par un seul but matérialiste.

Il faut, d'une façon ou d'une autre qu'elle soit tempérée par une spiritualité indispensable, sinon la vie n'a aucun sens.

L'honneur et le devenir de l'homme en dépendent. La froide Raison elle-même s'en émeut et le clame à tous les vents !

Un autre souvenir, tout aussi indélébile, a marqué mes premières années.

Un souvenir entaché de tristesse. C'était « mon » premier déménagement. Nous quittions le village, la « farine de moteur » et le brave père Dailly. Mais j'avais, pour l'instant, une autre et sérieuse préoccupation : j'emportais jalousement, dans un petit panier noir à couvercle (le classique panier d'écolier, celui de mes sœurs aînées sans doute) mon chat.

Voulant probablement voir le comportement de mon compagnon d'exode, j'ouvris malencontreusement le couvercle du fameux panier et son occupant, n'attendant que cet instant inespéré, jaillit littéralement hors de sa prison, à mon grand désespoir et se perdit dans la nature.

La fin du voyage, je ne m'en souviens plus : elle fut grandement obscurcie par ce premier chagrin. Je pleurai une partie des larmes de mon corps, croyant mon compagnon à jamais disparu.

Ce fut Mme Thévenet, la fille du bon père Dailly, une brave femme elle aussi, qui avait assisté à la scène et qui, quelques jours plus tard, sans doute à force de ruses et d'aguicheuses tasses de lait odorant, ayant à nouveau capturer mon aventureux minet, vint me le rendre en personne dans la nouvelle ferme qu'avaient louée mes parents au lieu-dit « La Plaine », toujours située sur la commune de Saint-Bonnet, à 2 ou 3 kilomètres (?) à peine de notre ancienne demeure.

Mais pour moi, c'était déjà les deux bouts du monde sans doute. Et que savais-je du monde en ce temps-là ? Ce que mon regard pouvait embrasser jusqu'à l'horizon et c'est tout !

C'était un regard encore bien « innocent »…

Au fur et à mesure de ma narration, « lorsque j'aurai grandi », je reviendrai dans « mes petits villages » avec un regard plus mûr, sans doute un plus objectif. Mais déjà précocement désabusé ! Car quoi qu'on en dise, autant le préciser tout de suite, tout le monde ne s'appelle pas Artaban et la vie ne sourit bien qu'aux audacieux. Elle est sans pitié pour les hésitants, les « timorés », comme on les nomme narquoisement trop souvent.

Elle excite les premiers et use prématurément les seconds, il est inutile de se le dissimuler.

En fait d'égalité des chances, il y a de quoi en mourir de rire. Il faut faire avec « sa carcasse », un point c'est tout.

S'il n'y avait parfois de microscopiques compensations qu'il faut encore avoir la chance de découvrir parmi un fatras d'invraisemblances… Ce n'est pas sans raison que le grand Clemenceau (pourtant un homme, celui-là) disait : « La Vie ? C'est une « bonne » blague, c'est tout ! ». Et il était encore poli et modeste.

Quelqu'un que je connus bien disait avec beaucoup plus de réalisme et pour d'évidentes raisons, en des termes justes et truculents : « La vie ? C'est une tartine de merde dans laquelle on mord presque chaque jour un grand coup. »

Pas pour tout le monde peut-être, j'en conviens, mais pour certains l'assertion est encore en dessous de la vérité, hélas !

Souvent un tunnel, plus ou moins noir, avec quelques fugaces rayons de soleil de loin en loin et nous avançons (ah oui !) tels des moutons de Panurge, malgré les savants « enrobages » des théologiens ou philosophes, tous plus inspirés les uns que les autres, vers une seule Certitude, notre Fin : quelle qu'elle soit… Telle est trop souvent la Vie…

Pour en arriver là, quelles bagarres !

Qui sont les plus avisés ? Ceux qui foncent sans hésitation apparente ou ceux qui s'interrogent ? Sans doute ni les uns ni les autres. Dans la « sarabande » de l'Humanité, ils se complètent.

Revenons par les chemins tortueux de mon récit (j'avais prévenu !) après ce « coup de gueule » libératoire, indispensable et… stérile, contre l'ironie aveugle (?) du sort, à quelqu'un qui a, souvent à son insu, beaucoup marqué mon enfance et aussi mon adolescence : mon frère Lucien. Je ne parlerai de mes parents et de leur histoire (du moins celle que je connais) qu'après… mais j'en parlerai beaucoup, car ils le méritent.

Allons-y !

Mon frère Lucien

Ma venue à la lumière fut précédée, je dois le dire, par trois autres arrivées échelonnées sur quinze années : d'abord mon frère, l'aîné de la famille, dont 16 années me séparent. Je sais que lors de mon arrivée, il ne m'appela pas « Bienvenu ! », mais petit à petit, étant le seul de son sexe, je devins un facteur d'équilibre, puisque deux filles, mes deux sœurs, s'étaient glissées entre nous.

Nous nous apprivoisâmes mutuellement et je devins ainsi son préféré ; nous fûmes bientôt deux inséparables, mieux ! Deux complices ! C'était le « Grand frère », le dieu tout-puissant, celui qui savait tout qui pouvait tout (du moins dans mon imagination). J'avais pour lui un culte secret, à la fois mythique et presque mystique, je l'affirme. Il me bricolait parfois un jouet ou une réplique d'outils « de grande personne », dans la « boutique » où, les soirs d'hiver « après la soupe », il construisait ou réparait une foule d'objets… Des copeaux blonds et odorants dans les mains ou les cheveux, je rêvais près de lui en l'observant à son insu…

Et puis, il jouait de l'accordéon, suprême consécration ! Oh ! Très peu à la maison où le père, élevé à la « très dure », n'appréciait que très modérément ses talents de musicien.

Alors, il suivait le dimanche les fêtes patronales dans les « paroisses » environnantes. Il y avait bien parfois quelques rentrées tardives, ce qui provoquait alors « des mots » entre père et fils… mais jamais très méchants, car mon frère ne rechignait pas au travail. Il jouait (et dansait) admirablement surtout la valse et je sentis, la première fois que je le vis dans ses évolutions que jamais je ne pourrai l'égaler.

Tant de talent me paralysait d'avance moi « le timide sauvage ».

Alors, laissons aux dieux leur divinité et aux artistes leur art, et contentons-nous de les admirer ! Nous étions en fait (explique qui pourra…) l'eau et le vin, mais nous avions réciproquement, bien sûr, nos qualités et nos défauts ; et nous nous entendions (avec nos différences d'âges) à notre façon comme des larrons en foire !

Et l'édifice était solide, car, à quelques détails près, toujours tacitement admis il « tient toujours » et ne finira qu'avec la vie…

Des anecdotes sur mon frère, il y en aurait un livre entier.

Parmi une foule d'autres, l'une d'entre elles me marqua à tout jamais : il n'y avait pourtant rien d'extraordinaire en soi, affaire d'atmosphère et de sensibilité…

Pour le romantique que j'étais déjà (sans pouvoir donner un nom, bien sûr à mes sentiments, car j'étais très jeune, j'avais 6 ans je crois), je ressentais terriblement toute la poésie du lieu et du moment présent.

C'était par un beau soir de printemps, à l'époque des nids : après son travail, il vint me trouver dans mes jeux et il me dit (en patois, bien sûr) : « Viens avec moi, je vais te montrer quelque chose. »

Il me jucha sur le cadre de son vélo, assis en amazone sur une vieille veste et nous partîmes. C'était la première fois qu'il m'enlevait de la sorte.

Nous partîmes sur le chemin pierreux, moi tout sautillant entre ses bras qui tenaient le guidon, zigzaguant et tintinnabulant en diable…

Brusquement, au bout de quelques minutes, il mit le pied à terre et me déposa en me recommandant, un doigt sur la bouche, de ne faire aucun bruit. Il me prit par la main et, épais mystère, nous avançâmes comme deux Sioux… Il me montra, à deux mètres de nous à peine, « quelque chose », comme une petite plateforme faite de brindilles entrecroisées, et, là-dessus, devinez quoi ? Une tourterelle qui nous regardait sans bouger, avec ses deux petits yeux brillants semblables à deux perles…

J'étais en extase… Pensez ! j'avais surpris la Nature dans un de ses mystères ! Nous ne prononçâmes aucune parole, figés que nous étions, nous respirions à peine…

Un imperceptible mouvement de l'un de nous, peut-être, brusquement l'oiseau bleuté explosa dans les branches et s'envola à tire d'ailes, de son vol déhanché si caractéristique : je vois encore la scène comme si c'était aujourd'hui.

Alors, avec mille précautions, il me fit approcher du nid, me souleva et me montra les œufs en me recommandant de ne jamais les toucher, car, me dit-il, « la mère ne reviendrait plus ».

Il n'eut pas besoin de me le dire deux fois. Pour moi, ces œufs étaient plus précieux que mes propres yeux… Le retour, par contre, je ne m'en souviens pas. J'avais l'esprit trop occupé ; j'étais sans doute, au paradis des tourterelles…

D'autres fois, il me « faisait monter sur la faucheuse », en cachette, à l'insu du père, en me recommandant de bien me tenir. Artaban n'aurait pas été plus fier. Et puis, c'étaient des « œuvres d'homme ». Il allait aussi à la chasse et j'assistais à la fabrication des cartouches [Éd. : exemple illustré ci-contre] avec un tas d'objets merveilleux, dont je ne tarderai pas à voir photos et descriptions dans le catalogue de la « Manufacture Française d'Armes et Cycles de Saint-Étienne ».

Merveilleux catalogue ! C'est dans ses pages enchanteresses que j'ai appris à lire ! Et j'y ai surtout appris, insidieusement, l'Art de la description : quels détails ajouter de plus à ce qui était dit : rien. Tout y était, les dimensions, formes, couleurs, poids, quantités, le prix à l'unité au kilo, au mètre… et puis un « je ne sais quoi » de poésie qui était distillée dans l'ensemble du texte, dans le balancement des phrases, qui faisait que je me trouvais, imaginativement en possession d'une foule d'objets… tous plus attrayants les uns que les autres. C'était la psychologie de la vente, le charme avant la lettre ! Et, à chaque fois la même magie accomplissait son œuvre !

Une autre histoire : ç'aurait dû être la première, dans ma lointaine mémoire.

Mon frère était de la classe 1929. Je le revois, le soir de son départ pour le régiment ; pour moi il s'en allait pour ne peut-être plus revenir, où ? Je ne savais pas. C'était très flou dans mon esprit. Mais ce dont je me souviens surtout, c'est le soir de son premier retour en permission. Il arriva, alors que la nuit tombait ; j'étais en train de « m'amuser » sous une fenêtre basse dans la cour dans la ferme : je revois la pierre plate sur laquelle je faisais glisser du sable fin. Il arriva sans bruit derrière moi et me saisit aux épaules. Je ne l'avais absolument pas entendu arriver. Je me retournai brusquement et je vis quelqu'un, quelque chose, je ne sus pas très bien…

Ce que je sais, c'est que pendant quinze secondes… j'eus franchement peur. Jugez un peu : deux bras d'homme (car c'en était un, j'en étais sûr), qui sortent d'une immense cape sombre, un visage barbu (il avait laissé pousser sa moustache et de plus portait le « bouc ») le tout coiffé de l'immense « tarte des chasseurs Alpins ».

Il voulût m'embrasser mais je me débattis tant et si bien, que je lui filais entre les doigts.

Longtemps après, je revins admirer ses boutons dorés, sa « fourragère », ses mystérieux « cors de chasse ».

Mais qu'avait-on fait de mon frérot, pourquoi l'avait-on accoutré de la sorte ? Je sus qu'il était dans une ville lointaine, qui s'appelait Gap, au pied de grandes montagnes, et qu'il avait un fusil (pour tuer, quoi ?) qu'il marchait beaucoup, ce qui lui faisait très mal aux pieds (pour aller où ? chez qui ?).

Cinquante ans plus tard, au printemps de 1979, beaucoup d'eau était passée sous les ponts : beaucoup d'événements heureux et malheureux ; son mariage d'abord, suivit d'une première naissance. Puis la « drôle de guerre » qui dura quatre ans… (Il revit pour quelques mois seulement, heureusement, les sentiers de montagne où, en lieu des fleurs d'edelweiss, on y rencontrait l'ennemi embusqué). Puis, si l'on peut dire, tout rentra dans l'ordre et la vie continua.

…Cinquante ans plus tard donc… le sort me désigna (le sort à qui je donnais quand même un bon coup de pouce…) pour accompagner mon grand-frère en… pèlerinage, dans les montagnes de sa jeunesse de « son active » comme il disait alors.

Nous refîmes, à peu de chose près, le parcours de ses vingt ans. Bien des choses avaient changé, mais il retrouva aussi des décors intacts, tels qu'autrefois avec, presqu'une joie d'enfant.

Entre autre, le pont-levis du Fort de Mont-Dauphin lui fit pousser une exclamation ponctuée d'un juron familier. Son attitude et son émotion faisaient plaisir à voir ! Il ne sentait plus ni son âge, ni sa fatigue.

Je lui devais ça : j'avais l'impression de régler une échéance d'une vieille dette d'homme… Car… il faut le dire, en tant qu'aîné de la famille, il fût un peu le « sacrifié ». On avait besoin de bras à la ferme, pour faire « bouillir » la marmite…

Toujours ce maudit « destin des pauvres » : la nécessité immédiate qui entrave irrémédiablement les vocations, même les plus modestes ! Il aurait « fait » un fameux charron s'il avait pu accomplir son apprentissage et, qui sait ? son Tour de France...

Le Destin (?) en décida autrement…

Il fut traditionnellement agriculteur. Il manqua peut-être un peu de « feu sacré », mais il éleva très dignement, avec sa femme Tina, ses huit enfants. Ce qui n'est pas rien, convenons-en…

Hélas ! Ils perdirent une petite fille (sa préférée) à l'âge de six ans, d'une diphtérie aiguë… Un immense chagrin faillit l'écraser. Il était loin l'accordéon des jours de liesse. L'ignoble mort avait frappé au cœur !

Puis, l'inexorable Vie reprit le dessus. Il le fallut bien, hélas ! D'autres joies allaient survenir, sous formes d'autres naissances.

Michèle, la petite morte, était son troisième enfant : d'autres sourires vinrent illuminer leur foyer, mais le départ de Michèle avait creusé un affreux fossé dans sa vie qu'il ne parvint jamais à combler tout à fait…

Aujourd'hui encore, lorsque, par hasard le sujet est effleuré, un nuage gris passe dans son regard : l'oubli n'est jamais venu… Même après l'arrivée de nombreux petits-enfants. Le dessein de Dieu est parfois bien cruel !

Oh ! Sans doute, très certainement même, ce ne fut pas toujours, entre mon frère et moi, une entente idyllique, à chaque minute de notre vie ! Ce serait vraiment inconvenant de l'affirmer.

Il y eut et il y a encore divergence de vue parfois, sur de nombreux sujets… Mais à quoi sont dues ces divergences ?

Comme je l'ai dit ou je le dirai ailleurs, sans doute, un premier élément important nous sépara.

Nous étions quatre enfants, il fallait bien que, moi aussi, je prenne socialement une décision. Je partis en ville, il resta à la campagne : mille problèmes différents d'où peuvent naître une foule de divergences. Donc, un miracle s'il n'y avait jamais eu de heurts d'idées, ce qui dénoterait, dans le fond, un manque de franchise réciproque… et de caractère.

Des torts et des raisons qui, notre vieille complicité aidant, passèrent et passent encore dans la liste des profits et pertes sans trop laisser de traces…

Ce qui ne fut et qui n'est à l'heure actuelle encore, pas toujours le cas malheureusement pour tous les membres de notre famille. Et je le déplore amèrement, hélas.

Et j'ai payé, en « angoisses rentrées », (ainsi que certains de mes très proches) un très lourd tribut à vouloir « le maintien de la paix à tout prix », presque la conciliation de l'inconciliable !

Vivre sur la corde raide fatigue à la longue l'équilibriste !

Heureusement qu'un certain éloignement a tendance à rapprocher paradoxalement les hommes ?! La diplomatie est un mensonge nécessaire, mais c'est aussi une énigme de plus dans le « pourquoi ? » de ce combat qu'est une vie humaine…

Quelques mots maintenant quant au « pourquoi personnel » : je me suis exilé en ville.

Je serais resté sans doute longtemps « l'otage » économiquement parlant des « autres » si j'avais opté pour le statuquo de la continuité. Médiocrité pour médiocrité, j'ai préféré m'en aller.

Et puis sans doute, j'ai senti, confusément, qu'un tournant important se préparait dans le monde agricole et comme je n'avais pas réellement le feu sacré, moi aussi, je suis parti…

Dans l'ensemble je ne regrette rien, ne serait-ce qu'au niveau des rencontres humaines. J'avais besoin de changer d'air…

D'ailleurs, mon père et ma mère, les premiers « grands sacrifiés », à qui je dois rendre hommage, ne s'y sont jamais trompés. Mon père, surtout, me pressait parfois d'activer et de préparer les buts de mon départ, au plus tôt pour en finir avec un éprouvant suspense.

Mais qui peut affirmer qu'il a réussi ou manqué sa vie ? Une réussite, un échec sont-ils matériels, spirituels, l'un ou l'autre, l'un et l'autre ; et sur quels critères s'appuyer exactement ? Une vie est différente d'une autre vie, comme le blanc est différent du noir.

Nous sommes sans doute, même dans les pires des cas, complémentaires les uns des autres, comme les branches d'un même arbre ou les pierres d'un édifice, chacun à notre place (?), si humble soit-elle.

Une petite « note complémentaire », d'ordre anecdotique en passant.

Je suis arrivé à Lyon, à la Recette Principale des PTT, place Antonin Poncet, le 13 août 1948. J'avais donc 23 ans. J'ai « déménagé » 9 fois étant « jeune homme ». Je me suis marié le… 3 août 1957… à Crest dans la Drôme (avec une Crestoise… évidemment !) J'avais 32 ans : il ne faut donc jamais désespérer !

Puis « nous » avons de nouveau déménagé 4 fois (jusqu'à ce jour) en accroissant chaque fois la superficie de notre logement : F1, F2, F3 puis en réalisant l'achat de notre F4 actuel. La suite… Dieu seul la connaît…

J'ai « fait » aussi le Centre de Formation Accélérée de Miribel dans l'Ain, dont je suis sorti, qu'on le veuille ou non, mon seulement avec les premiers bons éléments d'un vrai métier (soudeur-oxycoupeur en chaudronnerie), mais aussi et surtout rasséréné quant à mon avenir.

Cela peut paraître dérisoire aujourd'hui à ceux qui sortent des écoles supérieures ou autres, avec de lourds bagages, indispensables aujourd'hui… (et souvent inadéquats). Mais quand on arrive de son lopin de terre à une certaine époque avec pour tout viatique un mince Certificat d'Études Primaires Élémentaires, c'est vraiment mince et l'on se raccroche, comme ferait un noyé, au moindre fétu de paille qui passe à la dérive.

Quand je « repense » à cette époque, je suis parfois pris de vertiges, il fallait être un peu inconscient déjà, pauvre déracinés… Et je le mets au pluriel car (et presque heureusement), je n'étais pas le seul !

Puis je me « payais » dix patrons, dix établissements différents : depuis la douzaine d'ouvriers jusqu'aux dix ou douze mille de la S.F.A.C. du Creusot, en Saône-et-Loire.

La « bougeotte » je vous dis !

Dix patrons ! Quel insatiable direz-vous !

Que non ! Pensez-vous ! Pas du tout !

Si le vrai dicton est toujours vrai pour les « carriéristes » que nous sommes un peu tous, qui dit que « pierres qui roulent n'amassent pas mousse », ils n'ont vrai qu'en partie. Car, aujourd'hui (il est vrai que dans l'intervalle je suis bien sagement rentré dans le giron de dame P.T.T.) je ne regrette rien de toutes mes escapades, sauf de n'avoir pas « fait » douze ou treize « boîtes »…

C'est en faisant leur « Tour de France » que les Artisans – pour ne pas dire les Artistes – d'autrefois, arrivaient à leurs Chefs-d'œuvre !

Et puis les expériences et les connaissances ne sont pas toutes et uniquement professionnelles et matérielles ! Il y a aussi et surtout l'apprentissage humain de la vie en communauté, de l'affrontement des problèmes sociaux et culturels, ensemble…

Se sortir de soi-même et de son égoïsme, rien que cela vaut la peine d'être vécu… Les pèlerins de St Jacques de Compostelle au Moyen Âge ne faisaient pas autre chose ! Tout au long des durs chemins du voyage, ils apprenaient à se connaître… eux-mêmes…

Extrait du Journal Le Progrès, novembre 1992

Mes parents

Pour ne pas faire d'infidélité à mon premier avertissement, je vais encore une fois revenir en arrière, très loin en arrière.

Croyez-moi, le détour en vaut la peine. Il s'agit, pour l'heure, de présenter mes parents.

En guise de préambule à cette présentation, je dirai que mes parents, comme beaucoup de mes jeunes contemporains, je les craignais et je les adorais, tout à la fois, secrètement.

Mon père et ma mère, c'étaient les deux piliers indissociables qui soutenaient l'édifice de la Famille.

Je n'aurais pu concevoir qu'il en fût autrement ; l'idée, d'ailleurs, à cet âge tendre ne m'a jamais effleuré. C'est seulement en remuant les cendres du passé que j'ai compris à quel cataclysme j'ai pu échapper : la séparation, le divorce qui déracine tant de jeunes vies… hélas !

Je dois dire, cependant, que si la famille était « solide » inébranlable, les sentiments ne s'extériorisaient guère, très rarement. On ne s'embrassait pratiquement jamais, surtout entre hommes : on se serrait la main « virilement », c'est tout.

Ç'aurait semblé puéril, presque honteux ! Ça ne se faisait pas, c'était bon pour les femmes !

Mais secrètement, on souffrait de cette excessive timidité ; cependant on s'aimait bien chez nous… dans l'ensemble…

Je me dois donc de dire – pour en venir à ma précision initiale – qu'à vingt ans mon père fit son service militaire à Belfort, dans l'infanterie bien sûr…

Il y resta deux ans je crois. C'était le « tarif » à cette époque.

N'ayant pas été élève dans une « boîte à coton » (à 7 ans il était berger occasionnel pour les voisins !), naturellement discipliné habitué à la « dure », il ne garda apparemment pas rancune à cette époque marquante de sa vie.

Il y avait d'ailleurs en lui, déjà, un désir de changement, une timide envie de rompre avec « l'habitude » toute faite.

Et puis peut-être déjà une « nécessité du moment ».

Je n'ai jamais bien cherché à élucider ce fait, car il y avait des choses sur lesquelles on se risquait difficilement à poser des questions…

[Aparté de l'auteur :

À notre époque de « championnite aiguë » en tous genres des années 90, destinée à bourrer de fric certaines poches que les scrupules n'étouffent pas, et à détourner l'attention des gogos imbéciles des vrais problèmes humains, je peux affirmer sans hésitation qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil : sauf certaines perversions d'intentions faussement altruistes quant au vrai soutien économique…

J'ai, moi aussi, connu deux grands champions (parmi tant d'autres de l'époque). Il s'agit de mon père et de ma mère qui ont vécu modestement, ont beaucoup travaillé, sans aide aucune, ont élevé dignement leurs quatre enfants, n'ont jamais contracté de dettes (impayées) et ont réussi « le Grand Chelem » en mourant pauvres mais très estimés parce que parfaitement honnêtes (comme beaucoup de leurs contemporains). Ça, c'était un championnat que les plus grands ténors et fiers-à-bras du domaine dit « sportif » d'aujourd'hui ne pourraient sûrement pas tenir pour acquis ! Cela méritait d'être signalé. La seule différence entre hier et aujourd'hui ? « Ils n'avaient pas, ils ne pratiquaient pas, les mêmes valeurs » !

Mars 1996]

Toutefois, une des périodes qui illumina sa vie, fut celle pendant laquelle il se plaça chez un médecin clunysois, le Docteur Arnaud.

Il y resta 4 ans, employé comme cocher et valet de chambre : c'était un « cumulard » avant la lettre ! Je ne pense pas que la paye en fût doublée pour autant !

Comme il aimait passionnément les chevaux, il fut servi…

D'autant plus que « hors-d'œuvre », il pouvait rendre visite aux célèbres haras installés dans une partie de l'emplacement de l'ancienne Abbaye… non moins célèbre.

Que de fois il m'a parlé de ses traversées de la « montée du Bois-Clair », vers la Valouze, par tous les temps, à toutes heures du jour ou de la nuit.

Un malade ayant fait prévenir le docteur ? Il fallait atteler et partir : mon père aimait cette vie d'imprévus, bien qu'il s'en défendît parfois. Son regard le trahissait : il parlait toujours avec joie de cette époque. Une anecdote venait-elle à surgir dans sa mémoire ? Aussitôt un sourire fleurissait sur ses lèvres et il commençait invariablement sa phrase ainsi : « Quand j'étais là-bas, à Cluny… »

Avec Belfort et, je crois un unique et bref (à cause de ma mère…) voyage à Lyon lors de son mariage, ce fut pour lui, son « Bout du monde ». D'ailleurs, c'était aussi pour la multitude, à cette époque, le même scénario. On voyageait très peu (on allait aux foires locales) par manque de moyens et souvent par absence de raisons majeures ! On était bien chez soi, et l'on se contentait de peu en toutes choses…

Puis un jour, cependant, se sentant un peu seul, tout de même, après quelques incursions dans les vignobles du Haut-Beaujolais, comme vendangeur, fit la connaissance d'une gentille timide (assez rieuse pourtant) et « très » jeune fille de vigneron (et meunier…) « domiciliée » chez ses parents, lieu-dit le Moulin, commune de Les Ardillats (Rhône), « 69 » comme l'on dit assez inhumainement aujourd'hui.

Après un bref temps de fiançailles, il ramena Victorine sur les hautes-terres de Saint-Christophe-la-Montagne, et la dure mais saine vie de cultivateur ne devait plus les lâcher tous les deux…

Ils furent alors fermiers au lieu-dit les Pirards, village dont je parlerai peut-être plus loin.

Ce que je peux en dire, aujourd'hui même, en cette année 1987, c'est qu'à l'époque pas encore très lointaine de mes parents, le village comportait au moins 8 ou 9 ménages…

Aujourd'hui, il n'y a plus personne, sauf quelques « estivants du dehors » comme le dirait Pagnol et c'est bien triste.

Le dernier occupant, un conscrit à moi, est décédé il y a un an et demi environ, de la maladie du siècle, un cancer. Sa famille, une mère âgée de 88 ans ainsi qu'un oncle l'ont suivi dans la tombe, à quelques mois d'intervalle…

Le village est maintenant en partie habité… par les ombres du passé.

Je me devais de glisser ce complément d'actualité en liaison avec le passé.

Quant aux prémices de la vie sentimentale de mes parents, je n'y suis jamais pénétré qu'à pas feutrés. Par pudeur, par délicatesse je n'irai pas jusqu'à dire par honte… non, mais il y avait des « choses » dont on ne parlait pas volontiers dans les familles. C'était parfois très dommage.

Mais au fait ! En parlons-nous beaucoup plus aujourd'hui ? Alors, fermons la parenthèse.

Revenons donc en-deçà, encore un peu à sa période de célibat Clunysien.

Mon père aimait beaucoup le Dr Arnaud qui était un homme de devoir et je crois que, bien qu'un peu bourru, assez compréhensif et reconnaissant.

Soit dit en passant, le Dr Arnaud avait eu 2 fils qui embrassèrent le métier des armes : ils furent tous deux aviateurs pendant la guerre de 14-18 et moururent tous deux, je crois, sur le front.

Cependant, il arrivait à mon père de parler de sa période Clunysienne avec, dans le ton, un peu de nostalgie, mais aussi un certain relent d'austérité.

Ce fut surtout un banc d'essai qui lui servit à se vaincre lui-même. Car il faut dire qu'il n'eut, pendant 4 ans par exemple, comme lavabo, pour ses soins de toilette, que la pompe et le seau du cheval, hiver comme été. On peut aujourd'hui apprécier, blâmer ou dénigrer, à l'époque c'était ainsi et c'est un fait, pas une légende ! Mon père n'a jamais été un menteur.

Et puis il n'était pas un cas unique, hélas !

Pourtant, bien qu'ayant plutôt fréquenté les chevaux que les hommes et (n'en déplaise à certaines âmes grincheuses et donneuses de conseils à défaut de les pratiquer), mon père conserva de cette époque un certain maintien dans toute sa personne.

Un exemple ; lorsque, le dimanche, nous allions à la messe et qu'il entrait dans le costume réservé à cet effet, ce n'était plus le même homme : il se tenait bien, et il avait une allure et un pas « dégagé ».

Dans nos chemins souvent raboteux et boueux, il avait une particularité marquante, fascinante et inégalable, il ne salissait pas ses chaussures…

Ce n'était plus le « paysan » au sens péjoratif du mot « chaussé de ses gros sabots » selon l'imagerie classique des gens de la ville ; non, mon père marchait précautionneusement, car il aimait la terre nourricière, il trouvait absurde de « se souiller inutilement », comme il me le faisait remarquer.

Il avait une façon à lui d'éviter les flaques d'eau naturellement, sans effort apparent. Il marchait en « déroulant » le pied, et de plus, il marchait vite. Le suivre (surtout à travers bois, son domaine de prédilection) c'était presque une gageure !

Il avait aussi, je ne dirais pas un tic ou une manie, c'était plutôt un besoin physiologique ; il avait une petite toux, un raclement de gorge assez fréquent qui faisait que, lorsqu'il s'attardait parfois le soir dans un champ, ou lorsqu'il rentrait (souvent harassé) de travaux lointains, je l'entendais de très loin, à cause de ce toussotement bien à lui.

La vie d'autrefois se raccrochait à mille petits riens, comme celui-ci, que les « gens évolués » (?!) d'aujourd'hui n'oseraient même pas évoquer ; et pourtant, c'était la trame d'une vie rude et d'un bonheur simple (le vrai bonheur !) à jamais effarouché par le tintamarre « civilisé » (!) d'aujourd'hui.

Il mourut à 72 ans, à cent mètres à peine de notre maison de Chevanette, devant son attelage au bord du chemin… Une mort comme il la souhaitait, j'en suis persuadé : « sur le front du travail ». Ce travail dont il n'avait cessé de s'étourdir pour oublier mon départ, il n'y avait pas encore un an…

Lorsque je reçus le télégramme m'annonçant sa mort, c'était le soir, vers 21h00 : j'étais en service de nuit à la Recette Principale des PTT place Antonin Poncet à Lyon. Je n'avais plus aucun moyen de locomotion pour me transporter rapidement à cette heure tardive de l'hiver (c'était en Février 1949). J'ai donc attendu le lendemain matin pour prendre le car de 7 h 00… j'ai poursuivis ainsi mon service de nuit. Inutile de dire où s'étaient transportées mes pensées…

J'ai rarement vu autant de monde lors du l'enterrement. Toutes les communes environnantes étaient représentées. Mon père, très serviable, toujours aimable, malgré parfois de cinglantes et justes réparties, était très aimé et très estimé de tous.

C'est toujours resté depuis, pour moi, malgré le temps, une irremplaçable absence.

L'âme de la maison s'était envolée… Peut-être ceux qui me liront un jour (vous mes propres enfants) trouveront et se souviendront peut-être que j'en parlais très souvent (trop souvent ?). Je n'en ai jamais suffisamment parlé, à sa juste valeur. Pour qui l'avait connu et côtoyé, c'était quelqu'un ; on ne pouvait plus l'oublier.

Et ma mère resta seule… ou presque, pendant encore plus de 20 ans ; elle mourut au Pasquier chez sa fille, à l'âge de 87 ans… elle qui nous disait à 50 ans, dans de rares moments d'agressivité « Vous verrez ! Je ne vous embarrasserai pas bien longtemps ! » Comme si une mère pouvait embarrasser ses enfants !

Après la vie de don total et de labeur qu'elle avait fournie, elle aussi…

Cependant, l'ambiance de jalousie malsaine dans laquelle elle fut immergée vers la fin de sa vie, créa entre nous, une atmosphère de tension étouffante.

Une de mes sœurs, aigrie par la guerre (elle attendit 5 ans son mari prisonnier dans le nord de l'Allemagne) entretint un climat de suspicion contre « nous », ma femme et moi.

Nous étions, lors de nos voyages à St-Christophe, parfois (souvent) reçus dans un climat tendu, pour ne pas dire glacial, et immérité.

À notre profond regret nous fûmes obligés à limiter nos visites, car le climat était parfois si lourd que les attitudes réciproques frisaient l'indécence et l'orage.

Ma sœur nous reprochant en particulier de l'avoir abandonnée, d'aller en vacances et d'être trop heureux ! Pensez donc !

Elle fut hospitalisée plusieurs fois pour différentes interventions ; je ne dirai pas chaque fois, mais très souvent, nous lui rendîmes visite à l'hôpital…

Il nous arriva à nous-mêmes d'être hospitalisés, personne de la famille, ne nous rendit jamais visite : qu'il s'agisse de nous, de nos enfants ou petits-enfants !

C'est tout juste si on daigna prendre un petit renseignement au téléphone… Indifférence.

Liberté, Égalité, Fraternité… À cela j'ajouterai l'inévitable Messe du Dimanche… par habitude… pour « appuyer » la Dignité… Belle mentalité !

Mon père n'aurait pas agi ainsi, jamais ! Il était d'une autre trempe. Ce qu'il croyait, il le pratiquait sans ostentation mais sans réserve.

La fierté et l'honneur n'étaient pas des vains mots pour lui.

Inutile de dire que, sans pharisaïsme aucun, j'évite de me mélanger avec un tel troupeau de chrétiens hypocrites. Je préfère me tenir à l'écart quitte à en souffrir profondément, prier silencieusement dans mon coin que de me mélanger aux faiseurs d'embarras et de tra-là-là traditionnalistes.

Où donc est l'Église des premiers chrétiens. Lorsqu'on les avait rencontrés une fois on ne pouvait plus les oublier. La première impression qui se dégageait d'eux faisait dire : « Voyez comme ils s'aiment ! »

Aujourd'hui, on se jalouse, ni plus ni moins ! Comme si l'on était sur la Terre pour l'éternité.

Cependant, pour sauver les apparences, tout se déroule selon la sacro-sainte tradition : fiançailles, mariages, baptêmes, noces-d'or… ou autres matériaux… L'atmosphère de chapelle privée, pour ne pas dire de secte, flotte manifestement. La « tolérance » (?) pour ne pas dire la condescendance est omniprésente à chaque occasion…

Tu ne penses pas et tu ne fais pas (au moins ostensiblement comme moi) alors, je me méfie de toi. Tu as beau pratiquer tant que tu veux, l'esprit de charité dans ta vie, faire toutes les concessions que tu voudras, moi je te suis supérieur, car j'ai « l'onction ecclésiastique »… et je hais tout ce qui est à gauche (comme le recommande une Église qui craint tout ce qui dérange, surtout l'Ordre établi, celui des nantis). Mais heureusement, ceux qui pensent cela ne sont pas toute l'Église ! Alléluia !

C'est de cet atmosphère-là qu'est partie ma « scission ». Mais je n'en crois que plus profondément à Dieu, je l'affirme ! Tant pis, pour la Forme, chez moi c'est le fond et l'Amour vrai qui compte, tant pis si je dois chaque jour l'extraire de ma haine sournoise…

Mais, au fait, je me suis beaucoup égaré… J'ai beaucoup brodé, en vérité.

Repère Lyon / PTT (1948)

Le 13 août 1948, Maurice arrive à Lyon (Place Antonin Poncet) pour les PTT.

Lucien à Gap

Printemps 1979 : pèlerinage avec Lucien à Gap.

Index des noms

ARNAUD Prosper, médecin à Cluny (pp. 41-42)
BIDAUD Victorine, mère de l'auteur (pp. 39, 40, 42, 45)
DAILLY Victor, voisin à Mussery (pp. 22, 24)
SUCHET Antoine, père de l'auteur (pp. 39, 43, 44, 46)
SUCHET Lucien, frère aîné (pp. 26, 30)
SUCHET Maurice, auteur (pp. 22, 46)
THÉVENET, fille de Dailly Victor (p. 24)

Index des lieux

Belfort — service militaire du père (pp. 39, 41)
Cluny — période de travail du père (p. 41)
Crest (p. 35)
La Valouze (p. 41)
Les Ardillats — lieu-dit Le Moulin (p. 42)
Saint-Bonnet-des-Bruyères — lieu-dit Mussery (pp. 20, 24)
Saint-Christophe-la-Montagne — lieu-dit Chevanette, lieu-dit Le Pâquier, lieu-dit Les Pirards (pp. 42, 46)

Index des dates

1925, 26 juin — naissance de SUCHET Maurice (p. 20)
1929 — classe militaire de SUCHET Lucien (p. 30)
1943–1945 env. — captivité du beau-frère en Allemagne (2ème guerre mondiale) (p. 46)
1948, 13 août — arrivé de SUCHET Maurice à la Recette Principale des PTT, à Lyon (p. 35)
1949, février — décès de SUCHET Antoine (p. 45)
1957, 3 août — mariage de SUCHET Maurice avec GUYON Marie-Thérèse (p. 35)
1979, printemps — pèlerinage de SUCHET Lucien avec son frère Maurice à Gap (p. 31)
1987–1999 — Rédaction des mémoires (p. 5)

Frise chronologique

1877 · 29 juil.

Naissance d'Antoine Suchet

1925 · 26 juin

Naissance de Maurice Suchet

1948 · 13 août

Arrivée à Lyon (PTT)

1949 · févr.

Décès d'Antoine Suchet

1957 · 3 août

Mariage de Maurice Suchet

1979 · printemps

Pèlerinage avec Lucien à Gap

1987–1999

Rédaction des mémoires

Avertissement : Ces mémoires sont un témoignage personnel. Ils reflètent les souvenirs et perceptions de leur auteur. Ils ne prétendent pas à l'exactitude historique exhaustive. Toute ressemblance avec des personnes vivantes relèverait de la coïncidence. En cas de gêne liée à une mention, vous pouvez demander une correction via contact@jebeditions.com.